Green Book - Sur les routes du Sud
Un énième film traitant du racisme pour entrer dans la course aux Oscars ? Pas du tout ! Green Book est un road movie d'une simplicité bienvenue, jouant à fond la carte de la sobriété et de la légèreté pour dénoncer son propos sans artifice.
Note --> 4/5
Synopsis : 1962. Alors qu'il cherche du travail à la suite de la fermeture d'une bote de nuit, Tony Vallelonga, videur un brin raciste, est engagé pour être le chauffeur d'un pianiste Noir de renommée mondiale, Don Shirley. Sa mission sera de l'accompagner dans sa tournée à travers le Sud du pays, dans une Amérique régie par le ségrégationnisme...
Green Book est décidément le film
que l’on n’avait pas vu venir. D’une part parce qu’il est réalisé par Peter
Farrelly, réalisateur qui, jusque-là, n’a fait que travailler avec son frère
Bobby depuis 1994. De l’autre parce qu’il s’agit d’un drame acclamé par la
critique, primé aux Golden Globes et nominé aux Oscars. Bien loin des comédies
lourdingues mais efficaces que nous avait offertes le cinéaste par le passé
(Dumb and Dumber, Mary à tout prix, Fous d’Irène, L’amour extra-large et j’en
passe !). Bref, l’exemple même du long-métrage improbable, remettant en
cause les préjugés que nous pouvons avoir sur certains projets (comme c’était
le cas avec Get Out, film d’horreur réalisé par le comique Jordan Peele). Et
quel film ! Le genre qui redonne le sourire car apportant une véritable
leçon de vie et fait avec un savoir-faire des plus implacables. De quoi effacer
les multiples tentatives du cinéma américain de nous parler de
ségrégationnisme.
Car des films traitant du
racisme, aussi bien aux États-Unis qu’en général, Hollywood nous en sert en rafale.
Surtout en cette période de l’année (entre septembre et janvier), propice aux
nominations aux Oscars. Et si certains titres sortent du lot pour leur
puissance à véhiculer leur message, par le scénario et/ou la mise en scène
(Mississippi Burning, Twelve Years a Slave…), d’autres semblent profiter que
l’Académie soit friande de ce sujet pour bien se faire voir (Le Majordome,
Selma, The Birth of a Nation, Les Figures de l’Ombre, BlacKkKlansman…). Non pas
qu’ils soient mauvais dans l’ensemble, loin là (Les Figures de l’Ombre et
BlacKkKlansman étaient même très bons) ! Juste qu’ils n’ont pas
l’efficacité de certains pour nous parler de racisme sans éviter de se répéter
au fil des titres (on revoie les mêmes scènes à chaque fois) ni d’appuyer par moment de manière un peu trop poussée (via une mise en scène ou une
écriture trop lourde). Green Book n’est clairement pas de cet acabit. Il s’agit
d’un film maîtrisé qui véhicule son message avec une très grande efficacité par
le biais d’une idée toute bête : la simplicité.
Déjà une simplicité d’écriture. Simple
d’être passé par l’idée inverse de ce qui se fait habituellement, à savoir
montrer un Blanc au service d’un Noir (histoire vraie, comme ici, ou pas).
Simple dans son traitement, préférant se concentrer avant toute chose sur la
relation des deux personnages principaux plutôt que sur le ségrégationnisme
ambiant (alors que d’autre films nous l’auraient automatiquement jeté en pleine
face). Simple au point de raconter tout cela avec une certaine légèreté, un
humour d’une finesse bienvenue (bien loin du comique graveleux auquel nous
avais habitué Farrelly). Bref, Green Book n’a rien d’un long-métrage pompeux ou
m’as-tu-vu mais bien d'une aventure humaine. Celle d’un road movie qui narre
l’amitié naissante entre deux hommes que tout oppose (un Blanc des bas-fonds et
un Noir cultivé de la haute) et dont les péripéties (altercation dans un bar,
arrestation abusive par un policier, interdictions proclamées par des hôtes lors
de la tournée…) seront l’occasion pour nous faire part de divers messages. Le
racisme mais également les différences culturelles, sociales. Le partage
(l’aide pour écrire les lettres, par exemple) et la confiance que l’on peut
apporter à autrui comme remède à tous ces maux cités précédemment. La structure
narrative peut paraître répétitive, surtout pour un film de plus de deux heures,
mais fonctionne encore. Et vu la dernière séquence du film, qui aurait pu être
un happy end des plus miévreux, le tout illumine tout simplement notre esprit
une fois le générique de fin entamé. Car tel se présente Green Book à nos
yeux : un véritable feel good movie, d’une efficacité redoutable tout en ayant
bien des choses à pointer du doigt.
Simplicité également du côté de
la mise en scène, Farrelly optant plus pour la sobriété plutôt que l’excès. Je
parlais de films traitant leur sujet de manière à beaucoup trop appuyer leur
propos au point d’être un chouïa lourds dans leur rendu, c’est notamment à cause
d’une mise en scène artificielle (montage abusant de ralentis, musiques à fond
les violons…). Pour Green Book, il n’y a tout simplement rien d’artificiel.
Juste une caméra qui épouse à la perfection le jeu et la gestuelle des
comédiens (exceptionnels Viggo Mortensen et Mahershala Ali). Une ambiance
légère à la la limite du jazzy pour nous offrir cette bonne humeur. Un montage
qui ne tombe jamais dans l’excès d’effets. Des plans somptueusement choisis pour
évoquer les messages par un visuel, de manière explicite, sans passer par de l’écriture
ou de la mise en scène à outrance (l’exemple de la séquence où le personnage d’Ali
regarde les Noirs travailler dans les champs). Non franchement, il n’y a rien à
redire sur la technique du long-métrage. À part que Peter Farrelly révèle au
grand jour un talent qui nous était inconnu. Un savoir-faire certain qu’il nous
tarde de découvrir sur d’autres projets du même genre.
Voilà donc ce qu’est Green Book. Alors
qu’il pouvait se présenter comme un énième film traitant du racisme pour avoir
sa place aux Oscars comme la plupart de ces semblables, il est une véritable
ode à la vie. Un film qui dénonce en appuyant avec simplicité sur de grosses
parts d’ombre pour nous apporter bien des rayons de soleil. Peut-être un peu
répétitif avec sa structure en road movie. Mais suffisamment fin à l’écriture
et à la mise en scène pour mériter pleinement ses bonnes critiques et sa place
aux Oscars. M. Farrelly, bravo pour ce formidable coup d’essai en dehors de la
comédie !
BANDE-ANNONCE :
FICHE TECHNIQUE :
Titre original : Green Book
Réalisateur : Peter Farrelly
Scénario : Peter Farrelly, Nick Vallelonga et Brian Hayes Currie
Casting : Viggo Mortensen (Tony "la Tchatche" Vallelonga), Mahershala Ali (Dr. Don Shirley), Linda Cardellini (Dolores Vallelonga), Sebastian Maniscalco (Johnny Venere), Dimiter D. Marinov (Oleg), Mike Hatton (George), P.J. Byrne (le producteur exécutif), Joe Cortese (Gio Loscudo)...
Photographie : Sean Porter
Décors : Tim GalvinCostumes : Betsy Heimann
Montage : Patrick J. Don Vito
Musique : Kris Bowers
Producteurs : Jim Burke, Brian Hayes Currie, Peter Farrelly, Nick Vallelonga et Charles B. Wessler
Productions : DreamWorks Pictures, Amblin Partners, Participant Media, Innisfree Pictures et Wessler Entertainment
Distribution : Metropolitan Filmexport
Genre : Biopic dramatique
Durée : 2h10
Budget : 23 M$
Date de sortie : 23 janvier 2019
Commentaires
Enregistrer un commentaire