The Hate U Give - La haine qu'on donne
Sous ses airs de teen movie pompeux et artificiel qui gâche le rendu, The Hate U Give cache une puissance viscérale qui aurait pu lui permettre de trôner aux côtés des grands titres traitant du racisme.
Note --> 3,5/5
Synopsis : Starr Carter est une adolescente devant jongler entre sa vie du ghetto et sa vie scolaire dans une école de renommée. Tout semble aller pour le mieux pour elle jusqu'au soir où elle est témoin du meurtre de son ami d'enfance, Khalil, tué par un policier lors d'une arrestation ayant mal tournée. Désormais sous les pressions de la communauté et de ses proches, elle doit trouver sa voix et combattre l'injustice qui découle de cet assassinat...
La fin du mois de janvier 2019
aura décidément porté sur la thématique du racisme. Entre la comédie Qu’est-ce
qu’on a encore fait au Bon Dieu ? et le biopic dramatique Green Book, il
faut également compter The Hate U Give. Adaptation du best-seller d’Angie
Thomas, le film s’intéresse ici aux violences policières faites sur la
communauté afro-américaine, et ce de manière abusive. Un sujet de base très
fort, mais reste encore à savoir s’il est traité comme il faut. Si le film
reprend l’essence même du livre, à savoir retranscrire toute la haine, la
colère qu’éprouvait l’auteur en l’écrivant. Je reviens à ce que je disais lors
de ma critique sur Green Book : il existe deux genres de films à la
thématique puissante. Ceux qui la développent avec une efficacité des plus
percutantes (Mississippi Burning, Twelve Years a Slave, Detroit), et ceux qui,
pour bien se faire voir, utilisent d’artifices de mise en scène au point d’en
être un peu trop lourds et m’as-tu vu (Le Majordome). Reste à savoir dans quelle
catégorie se range The Hate U Give ! Et force est de constater qu’avec son
entame, le long-métrage se place aussitôt dans la seconde…
Car d’entrée de jeu, le film
dévoile ce qui va être son plus gros défaut et gâcher son rendu final :
être un teen movie. Comme si le fait d’avoir une adolescente comme héroïne
induisait que le public visé serait de la même trempe, le film s’approprie les
clichés que l’on aperçoit dans ce genre de cinéma. Comme cette voix off, celle
du personnage qui nous raconte sa vie tandis qu’elle déambule dans son quartier
ou dans son école, le tout au ralenti et sous les airs de chansons
entrainantes. Nous racontons sa petite vie de jeune, avec sa famille et ses
amours au premier plan. On pourrait se dire que c’est juste l’introduction. Que
c’est pour nous, spectateurs, une façon de nous faire entrer dans l’histoire –
de manière justement artificielle. Mais cela dure pendant tout le film. Nous
servant du ralenti en veux-tu en voilà pour certaines séquences que cela en
devient lourdingue. Nous imposant beaucoup trop de fois la voix off du
personnage, à tel point que cela fait perdre à quelques scènes leur impact
émotionnel. Leur crédibilité même, quand l’écriture se retrouve pour le coup
forcée à en être dégoulinante de bons et mauvais sentiments. Avec tous ces
artifices, The Hate U Give nous déverse certes sa colère comme le bouquin le
faisait, mais ici, c’est comme s’il s’agissait de la colère d’un jeune qui
crachait au visage de son interlocuteur pour montrer qu’il existe. Pour imposer
ce qu’il a à dire sans réellement approfondir son sujet. Pour finir sur une
sorte de happy end que l’on aurait pu voir dans n’importe quel autre teen
movie. Et c’est fort dommage que le film ait cette allure…
Oui, fort dommage car dans sa
majorité, The Hate U Give est un film percutant. Un film qui, en déversant
cette haine, propose quelque chose de réellement puissant au milieu de ses
effets conventionnels. Car hormis son message haineux envers le racisme qu’il
livre par des scènes téléphonées (l’héroïne s’improvisant meneuse de manifestation),
le long-métrage parvient mieux à traiter son sujet quand il s’intéresse à ses
personnages. En se penchant sur leur vie personnelle, familiale. Dès le début,
on nous présente l’héroïne ainsi que ses proches, ses amis. Ce qui nous permet
d’avoir un attachement certain avec eux. Et une fois cette proximité effectuée,
nous pouvons vivre l’histoire comme les protagonistes, comme eux la vivent. Avec
beaucoup de tension quand l’héroïne est menacée par le gang de son quartier
(qui tente de l’éliminer parce qu’elle va les dénoncer, étant indirectement lié
à la mort de son ami). Avec beaucoup de haine quand nous sont décrits les
points de vue désintéressés sur le décès qui va tout déclencher (des étudiants
usant de ce fait juste pour sécher les cours). Quand nous est montrée l’injustice
environnante. Avec beaucoup de tristesse et de force quand on voit l’héroïne
traverser cette terrible épreuve, devant au passage jouer plusieurs rôles pour
ne rien laisser paraitre en public (jonglant entre sa vie de « Noire du
ghetto » et d’élève modèle dans une école de la haute, de cacher un temps
qu’elle a été le témoin de l’assassinat…). Même avec beaucoup de joie quand s’incrustent
quelques situations plus légères (la rencontre entre le père de l’héroïne et
son petit ami Blanc) afin de nous laisser respirer parmi toute cette colère.
Voilà ce qui donne à The Hate U Give toute sa force, le fait que derrière ses
artifices, l’ensemble se montre poignant et viscéral. Son histoire, le film
nous la fait vivre. Et on en sort chamboulé, touché en plein cœur.
Pour être arrivé à ce point, il
faut reconnaître l’efficacité de la mise en scène du réalisateur George Tillman
Jr., à qui l’on doit le biopic Notorious BIG. Bien qu’elle soit impersonnelle
et par moment tape-à-l’œil, elle reste aussi puissante qu’un uppercut quand il
le faut. Offrant de la tension à une arrestation ou une simple discussion
familiale. Allant même jusqu’à transformer une manifestation en une séquence
spectaculaire. Si certaines sont, une fois de plus, amoindries par le côté teen
movie (le dénouement, d’une puissance incontestable, perd cette dernière à
cause de la voix off), elles restent dans l’ensemble imposantes. Un fait que l’on
doit également au jeu des comédiens (dont la star montante qu’est Amanda
Stenberg), totalement investis dans leur personnage respectif, qui prennent
alors vie avec une facilité déconcertante. Renforçant cette proximité que nous
avons avec eux.
Oui, vraiment dommage que The
Hate U Give ne sorte jamais de son aspect teen movie qui ne vise qu’un certain
public, l’empêchant de trôner aux côtés de grands titres. Car derrière ses
artifices pompeux, le long-métrage avait ce qu’il fallait pour être le film
coup de poing de cette année 2019. Il parvient à nous émouvoir, et pas qu’un
peu ! Mais il aurait pu être encore plus éprouvant que cela, s’il n’avait
pas été traité de manière aussi conventionnelle. En bref, puissant mais pas
aussi ravageur que prévu…
BANDE-ANNONCE :
FICHE TECHNIQUE :
Titre original : The Hate U Give
Réalisateur : George Tillman Jr.
Scénario : Audrey Wells, d'après le livre d'Angie Thomas
Casting : Amandla Stenberg (Starr Carter), Regina Hall (Lisa Carter), Russell Hornsby (Maverick 'Mav' Carter), Anthony Mackie (King), Issa Rae (April Ofrah), Common (Carlos), Algee Smith (Khalil), Sabrina Carpenter (Hailey)...
Photographie : Mihai Malaimare Jr.
Décors : William ArnoldCostumes : Frank L. Fleming
Montage : Alex Blatt et Craig Hayes
Musique : Dustin O'Halloran
Producteurs : Marty Bowen, Wyck Godfrey, Robert Teitel et George Tillman Jr.
Productions : Fox 2000 Pictures, State Street Pictures et Temple Hill Entertainment
Distribution : 20th Century Fox
Genre : Drame
Durée : 2h13
Budget : 23 M$
Date de sortie : 23 janvier 2019
Commentaires
Enregistrer un commentaire