RATTRAPAGE 2018 --> En eaux troubles

Le blockbuster d'antan, c'était un film d'une efficacité redoutable dans son scénario et sa mise en scène, à savoir Les Dents de la Mer. De nos jours, le blockbuster est représenté par En eaux troubles, un pur produit sans âme et fait à la va-vite qui prend les spectateurs pour de parfaits imbéciles.

Note --> 1/5



Synopsis : Au cœur de l’océan Pacifique, le sous-marin d’une équipe de chercheurs a été attaqué par une créature gigantesque qu’on croyait disparue : le Megalodon, un requin préhistorique de 23 mètres de long. Le sauveteur-plongeur Jonas Taylor doit risquer sa vie pour sauver les hommes et les femmes prisonniers de l'embarcation… et affronter le prédateur le plus terrible de tous les temps.

Jusque-là cantonné aux séries Z à petit budget et autres DTVs oubliables bourrés d’effets spéciaux gerbants, le Megalodon, ce requin géant préhistorique, s’offre son premier passage sur grand écran. Et autant dire qu’il en a vécu des vagues à l’âme, le squale ! Étant à la base un livre dont les droits d’adaptation ont été achetés en 1997 par Walt Disney Studio (comme quoi, la firme aux grandes oreilles n’est pas toujours adepte des divertissements 100% familiaux), le projet a dû subir moults réécritures avant d’être récupéré en 2015 par Warner Bros. Puis un changement de réalisateur, Jon Turteltaub (Rasta Rockett, les Benjamin Gates, L’Apprenti Sorcier) remplaçant au pied levé Eli Roth (Hostel, Cabin Fever, The Green Inferno). Les choses se sont enfin concrétisées en 2016 avec le début du tournage et l’annonce de certains calibres du divertissement hollywoodien que sont Jason Statham, le second rôle montant qu’est Ruby Rose (Resident Evil : Chapitre final, xXx : Reactivated, John Wick 2, Pitch Perfect 3) et le reconnaissable Cliff Curtis. Sans compter l’apport d’une coproduction chinoise, venant gonfler le casting par une célébrité (Li Bingbing, vue dans Le Royaume Interdit, Detective Dee, Transformers 4...) ainsi que le budget du long-métrage, déjà bien conséquent avec ses 130 millions de dollars. Bref, en un rien de temps, En eaux troubles (traduction bien franchouillarde de The Meg) est devenu le blockbuster estival ayant ses chances de casser la baraque. Un titre sans prise de tête, à fond dans la déconne (comme le promettait d’ailleurs la bande-annonce, rythmée par Beyond the Sea) et le spectaculaire, qui profite du retour du film de requins (entamé avec Instinct de survie) pour nous rappeler que tout avait commencé avec Les Dents de la Mer. Le premier blockbuster de l’histoire du cinéma, qui n’a jamais cédé sa place de meilleur long-métrage à poissons carnivores, pouvait-il se faire battre par un poids lourds tel qu’En eaux troubles ?


Comment appréhender ce film ? Comme je le stipule déjà dans le paragraphe précédent, avec son affiche (Jason Statham affrontant un requin géant) et une bande-annonce montrant à quel point le projet assume ce postulat et son côté bourrin, décalé et explosif. À l’instar d’un Fast & Furious, en quelque sorte, mais cette fois-ci en pleine mer. Bref, le bon gros plaisir coupable de cet été 2018 ! Quelle fut donc la (mauvaise) surprise de voir que le film, dans ses premières minutes, se prenait bien trop au sérieux. Je ne parlerai bien évidemment pas de la séquence d’ouverture, typique de ce genre de production, même s’il y a des choses à redire d’un point de vue technique (illisible à cause d’un montage anarchique et d’une mise en scène brouillonne). Non je veux parler de la mise en place de l’histoire. Celle où sur une idée scientifique qui pouvait véritablement être intrigante (le fait que la fosse des Mariannes soient plus profondes qu'elle n'y parait, abritant bien plus de créatures, préhistoriques ou bien évoluées) nous suivons une opération de sauvetage dans les abysses. Une bonne demi-heure de film durant laquelle on s’attarde beaucoup trop sur des personnages clichés au possible et ce sans la moindre once d’humour ni d’intérêt. On apprend qu’untel est l’ex de la femme coincée dans le mini sous-marin, que le héros a un passé jonché de remords, que beaucoup de protagonistes ont des liens qui sont tissés d’avance… Avec des comédiens aucunement impliqués (malgré un Jason Statham qui semble tout de même s’éclater) et une écriture lamentable, il est impossible d’entrer dans l’histoire et de s’attacher à ses nombreuses coquilles vides. Et ça traîne et traîne en longueur… c’est ennuyant au possible alors que le film tente bien que mal de nous tenir en haleine avec une mission de sauvetage se voulant tendue (mais ne procurant aucune adrénaline car submergée par la platitude et le manque de lisibilité, tout comme la séquence d’ouverture). Avec des espèces de jump scares du pauvre sans impacts car prévisibles comme ce n’est pas permis. Avec des effets spéciaux gratuits (les fonds marins, notamment) pour montrer que le budget est conséquent. Non, jusque-là, En eaux troubles est un blockbuster grossier et beaucoup trop sérieux pour impressionner l’assistance. Et il faut attendre 40 bonnes minutes pour que le Megalodon daigne enfin montrer le bout de son museau (après plusieurs interventions hors champs ou bien par petits bouts). C’est à ce moment-là que le film devait décoller, avec l’apparition de son « attraction principale ». Si les premières minutes se sont montrées décevantes, la suite n’en est que plus frustrante…

Pour résumer, le Megalodon est, en termes de présence et d’effets spéciaux, similaire aux dinosaures de Jurassic World. Non pas qu’il soit visuellement à côté de la plaque, le tout entrant sans mal dans la norme du genre (en même temps, difficile de mal faire avec un tel budget…). Mais plutôt que ce cher requin tant désiré n’a tout simplement rien de crédible à l’image, que ce soit pour le petit Meg et le principal. Déjà que l’apparence du squale n’aide pas spécialement (entendre par là un certain manque de charisme de la part de l’animal), il faut ajouter à cela une mise en scène qui ne le met quasiment pas en valeur. Une avalanche d’incohérences venant plomber la plupart de ses attaques (capable de faire chavirer un bateau mais ne parvenant pas à en bouger un autre d’un centimètre alors qu’il le percute violemment ? et incapable de faire céder un câble même s’il s’agit du petit squale, déjà bien imposant ?). Et surtout une mort d’un ridicule… mais d’un ridicule… ! Un requin de près de 20 mètres décédant parce qu’un petit gars comme Statham lui à planter à bout de bras un harpon dans l’œil, atteignant le cerveau… non mais franchement !! En clair, on n’y croit pas une seule seconde ! Il s’agit juste d’un amas numérique, d’un poisson patapouf ajouté à l’image tel un sticker se décollant par moment. Pour un film à plus de 130 millions de dollars, c’est navrant. Et ça l’est encore plus en sachant que des titres au budget plus modeste (Instinct de survie et 47 Meters Down, entre autres) y parviennent avec efficacité. Même les mauvais effets spéciaux de Peur bleue savaient faire exister ses requins, c’est pour dire !


Et avec un tel ratage de ce qui était sur le papier son plus grand atout, le film ne parvient jamais à décoller, ni à présenter ce qu’il promettait. Le spectaculaire ? Aux abonnés absents, tout simplement ! Avec la mise en scène plate et le mauvais montage déjà aperçus dans la séquence d’ouverture, il n’est finalement pas étonnant de voir que l’ensemble des scènes prometteuses de l’ensemble tombe à l’eau. Que ce soit celle de la plage, enchaînement grossier de plans sans aucun sens ni tension ne cachant pas la censure qu’a subi le film (à l’origine, il devait être plus gore et pas aussi familial) ou bien de l’affrontement final (pétard mouillé). Juste un requin qui fonce dans le tas ou qui fait un petit bond, avec une pauvre petit explosion sur son chemin (qui faisait bien plus spectaculaire dans la bande-annonce, celle-ci étant plus rythmée et mieux construite que ce film)… L’ambiance ? Entre des moments d’angoisses ou bien de la déconne de grande ampleur (encore une fois Beyond the Sea du trailer), on n’a… rien du tout ! Juste des compositions musicales inexistantes qui ne rendent pas le film vivant pour un sou. Et de la part de Harry Gregson-Williams, qui avait fait ses preuves sur quelques titres (Kingdom of Heaven, Le Monde de Narnia) et commencé sa carrière aux côtés de Hans Zimmer (dont Rock), c’est dommage. L’humour ? Sur ce point, il faut avouer qu’après la première apparition du requin, le film se lâche totalement. Mais il le fait bien trop tard. Pour sûr, après une trop longue entame à se prendre au sérieux, à nous obliger de se faire du mouron pour des personnages dont on se fiche royalement (qu’ils se fassent becqueter !), nous avons acquis cette ambiance. Alors, quand l’ensemble vire à 360° sans crier gare, il n’est plus temps de faire marche arrière et d’adhérer aux idioties qui nous sont pour le coup présentées : les clichés à l’invraisemblance démesurée (le Yorkshire), Jason Statham transformé en Superman de la plongée (alors qu’il était présenté comme fragile et humain), des gags visuels incompréhensibles (ce plan avec toutes ces bouées multicolores…), des personnages têtes à claques (mention spéciale au milliardaire, définition même de la lourdeur dont même Michael Bay n’oserait s’y vautrer), des répliques d’une connerie sans nom… Et tout cela, qui plus est, nous est balancé à la figure en un rien de temps. Car avec une mise en place aussi longue et ennuyeuse, fallait bien que le film se termine, non ? Alors on enchaîne sans raison et on lance le générique de fin après un dénouement des plus précipitées ! 

Je pourrais continuer comme ça pendant longtemps encore. Je pourrais revenir en détail sur chaque scène pour dire ce qui ne va pas (bien que j’ai fait ici un bref résumé). Mais il est temps de conclure par « énorme déception ». Déception de m’être autant ennuyé devant un film qui n’était pas aussi spectaculaire et concon (dans le bons sens du terme) comme il le promettait. Déception d’avoir vu un blockbuster tout aussi fade, sans âme et sans envergure que la moyenne du genre. Déception de voir que l’ère des grosses productions, celle qui donnait naissance à des tires tels que Les Dents de la Mer, Jurassic Park et consorts, semble définitivement enfouie sous les abysses de la médiocrité et du manque de savoir-faire. Déception d’avoir eu, une fois de plus, un long-métrage qui me prenait pour un parfait abruti, ni plus ni moins ! Mais bon, ce n’est pas un avis négatif (supplémentaire) qui va freiner le début de cette saga. Car oui, En eaux troubles devrait être le premier opus du nouvelle franchise hollywoodienne (car plusieurs livres ont été écrits sur cet « univers »). Et avec un score au box-office mondial des plus honorables (plus de 518 millions de dollars), ce n’est pas de mauvais avis qui vont freiner la nage du requin. Quelque part, je ne suis pas contre, du moment que la suite corrige son prédécesseur. Mais avec toutes les occasions ratées, les opportunités tombées à l’eau et autres tentatives de ces dernières années, je ne me fais plus d’illusions…

BANDE-ANNONCE : 




FICHE TECHNIQUE :

Titre original : The Meg
Réalisateur : Jon Turteltaub
Scénario : Dean Georgaris, Jon Hoeber et Erich Hoeber, d'après le livre de Steve Alten
Casting : Jason Statham (Jonas Taylor), Li Bingbing (Suyin Zhang), Rainn Wilson (Jack Morris), Cliff Curtis (James 'Mac' Mackreides), Winston Chao (Minway Zhang), Shuya Sophia Cai (Meiying), Ruby Rose (Jaxx Herd), Page Kennedy (D.J.)...
Photographie : Tom Stern
Décors : Grant Major
Costumes : Amanda Neale
Montage : Steven Kemper et Kelly Matsumoto
Musique : Harry Gregson-Williams
Producteurs : Belle Avery, Lorenzo di Bonaventura et Colin Wilson
Productions : Apelles Entertainment, Di Bonaventura Pictures, Flagship Entertainment Group, Gravity Pictures et Maeday Productions
Distribution : Warner Bros.
Genre : Horreur
Durée : 1h53
Budget : 130 M$
Date de sortie : 22 août 2018

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