RATTRAPAGE 2018 --> Pentagon Papers
Comme il le fait maintenant depuis plusieurs années, le grand Steven Spielberg évoque l'Histoire par le biais de la petite, et livre avec Pentagon Papers un drame médiatique tendu et très intéressant. Le tout emballé avec un savoir-faire qu'il n'est plus besoin de présenter.
Note --> 4/5
Synopsis : En 1971 éclate aux Etats-Unis l'affaire des "Pentagon Papers", vaste
fuite de renseignements liés à la Guerre du Vietnam. Les documents
rendus publics par le Washington Post éclaboussent alors la classe
politique US de l'époque...
Quand on connait les futurs projets de Steven Spielberg (Indiana Jones 5, un remake de West Side Story) et son second film pour l’année 2018 (le très attendu Ready Player One), on se dit qu’avec Pentagon Papers,
il boucle un semblant de triptyque qu’il avait entamé en 2012. Une
trilogie exclusivement centrée sur la politique des États-Unis, qui
évoquait l’Histoire tout en voulant pointer du doigt quelque chose
d’actualité. Pour Lincoln,
en s’appropriant les derniers jours du célèbre Président, le
réalisateur en profitait pour le combat, parfois ridiculement long, des
débats politiques. Avec Le Pont des Espions,
c’était pour parler de la Guerre Froide en insistant bien sur les
amalgames que pouvaient induire les deux doctrines (Truman et
soviétique), faisant écho aux préjudices à l’égard des musulmans à cause
du terrorisme. Après une petite « récréation enfantine » décevante, Le Bon Gros Géant,
le grand Steven nous revient donc avec un nouvel épisode de son cru, en
se concentrant cette fois-ci sur la période post-Viêt Nam. Une mise en
bouche réalisée de main de maître avant l’arrivée de son blockbuster !
Au premier abord, Pentagon Papers
aurait très bien pu être un thriller politique banal, avec lequel
beaucoup se seraient cassés les dents en ne faisant que raconter le
script de base. En ne livrant que le minimum syndical. À savoir la
révélation de documents top secret par le New York Times et le
Washington Post (le film se concentre plus particulièrement sur ce
journal), mettant sous le feu des projecteurs le fait que le
gouvernement continuait d’envoyer des soldats combattre pour une guerre
perdue d’avance tout en assurant le contraire (et ce malgré bon nombre
de magouilles). N’importe quel cinéaste hollywoodien se serait contenté
de ce seul postulat, ne comptant que sur le prestige de son casting
(mené par Meryl Streep et Tom Hanks,
impériaux comme à leur habitude) pour sauver les meubles. Les faits
auraient défilé sous nos yeux de spectateurs attentifs, sans
originalité. Nous, nous aurions sans aucun doute trouvé ça intéressant
car d’aspect pédagogique, mais aurions surtout trouvé le tout bavard,
voire ennuyeux. Qu’à cela ne tienne, Steven Spielberg a réussi à
contourner cela, faisant de Pentagon Papers un véritable thriller palpitant qui parvient à tenir en haleine de bout en bout.
Si l’on devait résumer le film en un seul mot, cela serait « dynamisme ». Bien loin de Lincoln et du Pont des Espions qui avaient quelques longueurs pouvant en dérouter plus d’un, Pentagon Papers
affiche une énergie inattendue qui se traduit par bien des aspects.
Déjà par la mise en scène de Spielberg, le cinéaste ayant décidé de
suivre pas-à-pas le « chemin » d’une information au sein d’un journal,
de sa source jusqu’au résultat papier. Entraînant pour l’occasion
diverses séquences de discussions, de débats et de joutes verbales en
tout genre. Une intrigue soulignant une terrible course contre la montre
que doivent gérer les protagonistes. Un montage exprimant ce dual face
au temps, allant d’une scène à une autre via des ellipses, des plans
parallèles. Quelques visuels sur des journaux en cours de conception qui
défilent à l’écran. Une bonne touche de légèreté, des passages assez
comiques, venant revigorer le tout. La musique de John Williams, s’accordant plus à du film d’action plutôt qu’historique, à en être diablement entraînante (comme peut en témoigner le titre The Presses Roll,
qui accompagne le vol des fameux documents). Certains instants du film
sont tout de même critiquables, car dépendant un peu trop des bons
sentiments tel que le dénouement qui se résume à des « hourra ! » et
autres accolades, pouvant agacer. Mais nous ne pouvons reprocher à Pentagon Papers
d’être énergique au possible et ce malgré son sujet. Et pour le coup
très efficace, très plaisant à suivre, nous incitant à nous intéresser à
son propos sans en louper une miette. Encore une fois, Steven Spielberg
fait preuve de son talent et de son savoir-faire, qui suintent à chaque
seconde de son long-métrage. Que ce soit lors d’une introduction
prenante en plein Viêt-Nam ou encore pendant une réunion de journalistes
devant à l’œuvre sur lesdits documents.
Et comme je le disais dans le premier paragraphe, tout comme Lincoln (les débats politiques) et Le Pont des Espions (le terrorisme et les préjugés), Pentagon Papers
raconte l’Histoire pour parler d’aujourd’hui. Ici, Spielberg et ses
scénaristes nous parlent de cette affaire du Viêt-Nam pour dénoncer le
gouvernement de Donald Trump. Premièrement en critiquant certains de ces
aspects forts discutables. Comme le mensonge que l’on préfère taire au
grand public en lui offrant une image bien différente (le Viêt-Nam perdu
d’avance s’apparente à la collusion entre la Russie et les membres de
la campagne présidentielle). Comme ce désir de manipuler les médias, au
point de plonger dans l’illégalité, pour faire taire certaines critiques
et révélations (les plans peu flatteurs de Nixon faisant penser à Trump
affrontant James Comey, ex-patron du FBI, et ses révélations
publiques). Comme cette ambition de parvenir à ses fins, quitte à
bafouer bien des libertés (notamment celle de la presse, reflétant celle
des Droits de l’Homme qu’enfreint bien souvent le Président actuel).
Les exemples sont plutôt nombreux, c’est pour dire ! Et enfin, Pentagon Papers
dénonce également la politique pour le moins sexiste de Donald Trump,
en se concentrant sur le parcours difficile de son personnage principal.
Katharine Graham, une femme qui a dû s’imposer avec difficulté dans un
milieu et une époque où les hommes régnaient en maître (c’est
malheureusement encore le cas de nos jours dans certains domaines et
pays). À montrer qu’elle était capable de gérer un journal sans l’aide
de conseillers qui la méprisaient. À réussir à prendre des décisions par
soi-même pour le bien de son entreprise, sans se soucier de ce que
pouvaient penser les réfractaires. Bref, Pentagon Papers
met en scène le chemin parcouru par cette femme forte alors qu’il
n’était pas obligé de le faire, surtout que son sujet ne s’y prêtait
pas. Mais en faisant cela, Steven Spielberg permet à son film de prendre
une toute autre dimension. Une ampleur qui, comme tout bon réalisateur
qui se respecte, lui permet de parler, de dénoncer, via l’image. Et
c’est justement grâce à cela que le cinéaste affirme en avoir encore
sous le capot du haut de ses 71 ans.
Thriller politique dynamique et critique, Pentagon Papers
n’est pas ce qui aurait pu se présenter comme un simple passe-temps
pour son géniteur (Spielberg l’a réalisé pendant la longue
post-production de Ready Player One). Il s’agit bel et bien d’un
grand film comme le bonhomme sait les faire. Un titre qui vient sans mal
agrandir une filmographie ô combien riche et qui n’est pas encore prête
de s’arrêter. Peut-être pas son projet le plus marquant (surtout quand
trônent des chefs-d’œuvre tels que La Liste de Schindler ou encore Il faut sauver le soldat Ryan), mais sans aucun doute l’un des plus maîtrisés et passionnants.
BANDE-ANNONCE :
FICHE TECHNIQUE :
Titre original : The Post
Réalisateur : Steven Spielberg
Scénario : Liz Hannah et Josh Singer
Casting : Meryl Streep (Kay Graham), Tom Hanks (Ben Bradlee), Sarah Paulson (Tony Bradlee), Bob Odenkirk (Ben Bagdikian) Tracy Letts (Fritz Beebe), Bradley Whitford (Arthur Parsons), Bruce Greenwood (Robert McNamara), Matthew Rhys (Daniel Ellsberg)...
Photographie : Janusz Kaminski
Décors : Rick Carter
Costumes : Ann Roth
Montage : Michael Kahn et Sarah Broshar
Musique : John Williams
Producteurs : Steven Spielberg, Amy Pascal et Kristie Macosko Krieger
Productions : 20th Century Fox, DreamWorks, Amblin Entertainment, Reliance Entertainment, Participant Media, Pascal Pictures et Star Thrower Entertainment
Distribution : Universal Pictures International
Genre : Drame historique
Durée : 1h56
Budget : 50 M$
Date de sortie : 05 février 2018
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