RATTRAPAGE 2018 --> Ghostland
Alors que le genre horrifique est toujours aussi peu estimé par les producteurs français, Pascal Laugier réplique avec Ghostland, un titre qui saura leur prouver que notre cinéma national a de quoi supplanter la concurrence américaine.
Note --> 3,5/5
Synopsis : Suite au décès de sa tante, Pauline et ses deux filles héritent d’une
maison. Mais dès la première nuit, des meurtriers pénètrent dans la
demeure et Pauline doit se battre pour sauver ses filles. Un drame qui
va traumatiser toute la famille mais surtout affecter différemment
chacune des jeunes filles dont les personnalités vont diverger davantage
à la suite de cette nuit cauchemardesque...
Le cinéma d’horreur est un genre quasi tabou en France. Non pas
que celui-ci n’ait pas de succès au box-office. Au contraire, quand les
Américains sortent un titre des plus efficaces (Conjuring, Get Out…),
plus d’un million de spectateurs font aussitôt le déplacement en salles
pour se faire quelques frayeurs. Un domaine a priori apprécié dans nos
contrées, qui a pourtant du mal à trouver une place quand il s’agit de
s'y ateler. En effet, connaissez-vous des films d’horreur français ?
Seriez-vous capable de citer ne serait-ce qu’un titre ? Si vous y
parvenez, c’est que vous êtes comme moi, à pester contre une industrie
cinématographique française beaucoup trop cantonnée aux drames,
thrillers et films historiques à piètre ampleur. Une industrie dégageant
une incroyable image de bobo méprisable qui veut bien faire quelques
écarts dans le cinéma populaire en livrant des tonnes de comédies dans
la majorité puériles et lourdingues. Non, les films d’horreur, c’est
caca ! Une formulation enfantine qui traduit pourtant le fait que
certains réalisateurs français pourtant talentueux, ne parvenant pas à
concrétiser leurs projets, se voient contraints de s’expatrier à
l’étranger pour les mener à bien. L’exemple le plus connu étant
Alexandre Aja. Ayant été repéré avec son Haute Tension bien fichu
mais subissant l’indifférence du métier face à son film d’horreur, a
traversé l’Atlantique pour sortir des films à sa mesure (La colline a des yeux, Mirrors, Piranha 3D) et de genres différents (Horns, La neuvième vie de Louis Drax). Désormais, nous pouvons également citer Pascal Laugier. Un cinéaste adepte du thriller horrifique qui avait fait ses armes avec Saint Ange. Fait la polémique avec Martyrs (au sujet de sa violence jugée excessive). S’est à son tour expatrié aux Etats-Unis pour tourner l’étonnant The Secret. Et nous revient en force avec Ghostland,
sa revanche sur le cinéma français se présentant sous la forme d’un
film d’horreur diablement efficace et qui a fait sensation au dernier
Festival de Gerardmer (Grand Prix, Prix du Public et Prix du jury Syfy).
Une revanche car Ghostland est le film
qu’il fallait pour montrer à nos producteurs nationaux que l’horreur
est un genre à ne pas sous-estimer. Certes, ce dernier n’est un recueil
de scénarios hors pairs et le nouveau long-métrage de Pascal Laugier en
est un nouvel exemple, tant le film respire le classicisme pur et dur.
Certains pourront même pester en voyant que le réalisateur, pour mettre
en place son histoire, ne fait que reprendre les codes scénaristiques du
genre : la grande maison isolée et limite délabrée, les membres d’une
famille comme personnages principaux, la séquestration par des
psychopathes, l’héroïne hantée par son passé qui va revivre les
événements en retournant sur les lieux du drame… Ghostland
est un voyage en terrain connu, ponctué par un twist il est vrai fort
intéressant, mais qui réduit considérablement son impact en survenant en
milieu de récit. Nous conduisant pour le coup à un dénouement qui se
suffit à lui-même. Tel est, à titre personnel, le point faible de Ghostland
! Mais derrière cette simplicité (pour ne pas dire fausse complexité)
se cache une déclaration d’amour de Pascal Laugier au cinéma horrifique.
Une déclaration qui lui permet donc d’user des codes du genre pour
ainsi élaborer son histoire et surtout parfaire le reste. Notamment
l’écriture de ses personnages, très bonne, nous permettant de nous
attacher à eux et de nous inquiéter de leur sort. Un constat aidé par
une très bonne interprétation des comédiens (mention spéciale à Mylène Farmer, bluffante).
Une déclaration qui se traduit également par le traitement qu’a
effectué Laugier pour mettre en place son film d’horreur. Délaissant les
jumps scare – sans oublier dans utiliser certains et ce de manière
efficace – devenus monnaie courante dans le genre de l’épouvante, le
cinéaste a tout misé sur son savoir-faire et son amour du cinéma pour
livrer une véritable œuvre du septième art. Celle qui ne fait pas que
raconter une histoire en la parsemant gratuitement de gore pour
justifier son statut horrifique (autant prendre un livre, dans ce
cas-là). Non, Laugier a pris tous les outils à sa disposition (mise en
scène, décors, maquillages, jeux de lumière, musiques, effets sonores…)
pour nous offrir un film d’horreur véritablement prenant tout en étant
malsain, dérangeant. Un cauchemar de 90 minutes sous tension à la fin
duquel on se retrouve essoufflé par ce que vivent les personnages. Un
divertissement transpirant la sincérité de son auteur qui lamine sans
mal la concurrence américaine, adepte de la facilité et du box-office.
Bref, un long-métrage d’horreur maîtrisé de bout en bout, avec les
moyens du bord et la passion de son réalisateur pour ce qu’il fait !
Voir donc un tel film primé au Festival de Gerardmer est bel et bien
la revanche d’un metteur en scène sur les producteurs français.
L’occasion pour lui de crier haut et fort qu’un divertissement
horrifique est une œuvre purement cinématographique. Que son intérêt
pour un genre populaire ne signifie pas qu’il ne connait rien au cinéma.
Et qu’il peut, surtout, pour aboutir à un tel projet – en ayant dû
affronter le temps, les critiques et la réticence des financiers –, se
vanter d’être un véritable artiste. Un homme capable de se battre pour
son art avec beaucoup de force et de savoir-faire. Ghostland est la consécration de cet homme-là, et pourrait bien être celle du genre horrifique en France. Affaire à suivre !
BANDE-ANNONCE :
FICHE TECHNIQUE :
Titre original : Incident in a Ghostland
Réalisateur : Pascal Laugier
Scénario : Pascal Laugier
Casting : Crystal Reed (Elizabeth 'Beth' Keller), Emilia Jones (Elizabeth 'Beth' Keller jeune), Anastasia Phillips (Verra Keller), Taylor Hickson (Verra Keller jeune), Mylène Farmer (Pauline Keller), Adam Hurtig (le mari de 'Beth'), Rob Archer (l'ogre), Kevin Power (la sorcière)...
Photographie : Danny Nowak
Décors : Gordon WildingCostumes : Brendan Shenher
Montage : Dev Singh
Musique : Todd Bryanton
Producteurs : Ian Dimerman, Scott Kennedy, Jean-Charles Levy, Nicolas Manuel, Clément Miserez, Brendon Sawatzky, Sami Tesfazghi et Matthieu Warter
Productions : Mars Films, 5656 Films, Inferno Pictures Inc. et Logicial Pictures
Distribution : Mars Distribution
Genre : Horreur
Durée : 1h31
Budget : ??
Date de sortie : 14 mars 2018
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